Nous voulons une actualité politique collective et portée sur nos biens communs

Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les élu.e.s,

L’actualité est dense, intense, tour à tour merveilleuse, et nous pensons bien sûr à la Biennale de la danse qui ne cesse d’enchanter les Lyonnaises et Lyonnais depuis son défilé dans nos rues le 10 septembre dernier ; populaire, et nous saluons l’accueil réservé par notre ville aux nombreux supporters de rugby et bien-sûr à l’équipe des All Blacks à l’occasion de la Coupe du Monde de rugby ; dramatique et nous nous associons aux expressions et manifestations de soutien de notre Ville envers le peuple marocain endeuillé par un séisme d’une ampleur particulièrement violente et meurtrière, le peuple libyen dont des milliers de vies ont été brutalement emportées par un déferlement d’eau dans l’est du pays ; le peuple arménien et ses quelque 120 000 habitantes et habitants du Haut-Karabakh jetés sur les routes de l’exode après l’offensive de l’Azerbaïjan.
Rappelons-nous que derrière ces « nouvelles » que nous recevons sur nos écrans ou que nous lisons dans les colonnes de nos journaux, il s’agit toujours de vies brisées dans leur égale humanité.

Vie brisée est celle aussi des deux jeunes victimes d’un terrible accident hier dans le tunnel de la rue Terme. Ainsi que vous l’avez exprimé Monsieur le Maire, nos pensées sont avec elles, avec leurs familles, leurs camarades et la communauté éducative, et nous remercions les services de secours qui se sont rendus très vite sur place.

Évidemment, il est difficile après l’expression de ces soutiens et hommages rendus à des vies emportées, de reprendre le cours de la vie municipale, de se replonger dans ce qui fera l’actualité de notre conseil aujourd’hui.
Gardons peut-être juste à l’esprit, qu’au-delà de nos différences réelles de lecture du monde et de la société, qu’au-delà de nos ambitions qu’elles soient personnelles ou pour notre ville, nous sommes chacun et chacune reliés ici à la fois par la même dignité et la même vulnérabilité.
Je vais donc reprendre le cours de l’actualité politique de notre ville et cette actualité, en tous les cas pour le groupe politique auquel j’appartiens, elle se veut collective et portée sur ces biens que nous partageons et qui sont notre commun.
Tout d’abord Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les élus, le groupe Lyon en Commun forme un vœu ce matin, qui certes ne revêt pas la forme habituelle et réglementaire des quelques lignes déposées au préalable auprès de nos services municipaux et soumises au vote de notre assemblée.
Néanmoins il s’agit bien d’un vœu : celui que notre Ville, tout en s’inscrivant dans les journées européennes du Patrimoine comme elle l’a encore fait avec succès ces jours derniers, célèbre officiellement dès septembre 2024 les journées du Matrimoine et du Patrimoine, à l’instar de plusieurs régions françaises qui ont répondu à l’appel de l’association HF depuis quelques années déjà.
Cette association nationale, dont la délégation rhône-alpines est particulièrement active, travaille pour l’égale reconnaissance des femmes et des hommes dans leur participation à notre mémoire collective.
Oui le matrimoine est aussi un de nos biens communs et loin d’être un néologisme on retrouve les premières occurrences de ce terme  dès la moitié du XII e siècle. Et il sera couramment utilisé jusqu’à la fin de la Renaissance dans le cadre des héritages. La disparition de ce mot par la suite raconte l’histoire de l’invisibilisation sociale des femmes et parmi elles des autrices, des artistes, des intellectuelles, des créatrices.
Alors au nom d’une égalité républicaine et citoyenne, nous serions heureux et heureuses que la Ville de Lyon rejoigne les collectivités qui célèbrent au même titre le Matrimoine et le Patrimoine à l’occasion du troisième week-end de septembre.

Toujours au titre de l’actualité, et même s’il s’agit d’une actualité qui s’étale sur plusieurs mois, le groupe Lyon en Commun a déjà eu l’occasion, notamment dans le 3e arrondissement, d’exprimer son inquiétude quant à la disparition du centre hospitalier Sévigné, dont la fermeture des portes est annoncée d’ici la fin de l’année, après plus d’un siècle d’activité.
Monsieur le Maire, mesdames et messieurs les élu.es, pouvons-nous accepter que cette institution lyonnaise, qui dispense environ 100 000 consultations à l’année, puisse fermer ses portes pour des raisons financières ? Pouvons-nous nous résigner et ne pas entendre la mobilisation des professionnels de santé qui redoutent un cran de plus passé dans la difficulté d’accéder aux soins à Lyon ?
Il est essentiel qu’au titre de la clause générale de compétence, notre ville continue de s’emparer de ce sujet de santé publique. Il est toujours question ici de l’égale dignité de chacun et chacune, de sa capacité à bénéficier d’une politique de santé publique.

Monsieur le Maire, mes chers collègues, je terminerai mon intervention par la question du devenir du Musée Guimet. Dans cette assemblée nous sommes plusieurs à être allés, enfants, avec notre école ou avec nos parents ou grands-parents, nous perdre et nous émerveiller dans les allées de ce bâtiment abritant le muséum d’histoire naturelle et les collections d’Emile Guimet. Nous sommes plusieurs à y être allés aussi parents, tenant la main cette fois de nos propres enfants et revivant avec eux l’émotion des retrouvailles avec le musée, sa grande salle, ses galeries, ses boiseries, ses escaliers et sa rotonde.
Pourtant le musée de Lyon a fermé ses portes en juillet 2007 et ses pièces ont été transférées au nouveau musée des Confluences quelques années plus tard. Depuis, le bâtiment rêvé par Émile Guimet, et qui n’aurait sans doute jamais vu le jour sans la volonté d’Édouard Herriot, attend. Les Lyonnaises et les Lyonnais aussi.
Nous aurions pu penser que les Lyonnaises et Lyonnais avaient perdu le fil de la mémoire et de l’attachement qui les lie à ce lieu. Les réouvertures temporaires ont montré qu’il n’en était rien. Les Lyonnaises et Lyonnais sont venus en nombre, c’est-à-dire par dizaine de milliers, à l’occasion de la biennale d’art contemporain en septembre 2022 puis pour l’exposition consacrée à Shepard Fairey au printemps 2023.
Nous avons pu lire et entendre de très nombreux commentaires sur l’émotion des Lyonnaises et Lyonnais à retrouver ce lieu, sur l’émerveillement des visiteurs à le découvrir.
Moi-même, lors des premiers travaux menés par les équipes de la Biennale d’Art Contemporain, ce lieu je l’ai senti sortir progressivement de son long sommeil comme si son cœur se remettait à battre… Curieuse sensation pour un humain, pour une humaine, que de ressentir physiquement un bâtiment en train de reprendre vie.

Monsieur le maire, mes chers collègues, Guimet ne doit pas replonger dans un sommeil de plusieurs et longues années, au risque que le lien avec les Lyonnaises et Lyonnais finisse par se dissoudre.
Le Groupe Lyon en Commun, au nom duquel je m’exprime, continue de proposer une réouverture en deux temps. Une réouverture provisoire tout d’abord comme nous l’avons fait ces deux dernières années. Ce qui implique, en effet, un travail en lien avec les services de prévention-sécurité afin de trouver les moyens de conjuguer la réouverture du bâtiment que nous souhaitons et la sécurité des visiteurs dont nous avons la responsabilité.
Comme cet enjeu est important et que ce lieu n’est pas simple à sécuriser en effet, nous devons nous appuyer sur des structures qui ont la capacité de déployer des moyens humains, techniques, budgétaires suffisants.
C’est pour cela que nous nous sommes appuyés sur le Mac et la Biennale d’art contemporain en 2022. En 2024, je vous propose de nous appuyer sur le pôle muséal d’art, je pense au Musée d’Art Contemporain et au Musée des Beaux-Arts qui travaillent déjà -comme un préambule à la prochaine biennale d’art contemporain- à une biennale des enfants qui pourrait se tenir au printemps prochain.
C’est pour cela aussi que nous avons pris contact avec le Musée Pompidou et fait visiter Guimet à son président, Laurent Le Bon, en septembre 2022, à l’occasion de la Biennale. Laurent Le Bon en est sorti, vous vous en doutez, émerveillé. Et depuis, nous imaginons avec nos musées d’art et avec le centre Pompidou une grande exposition en 2025 : un Musée sentimental qui mêlerait nos collections lyonnaises et parisiennes, comme nous le faisons d’ailleurs actuellement avec le Musée d’Orsay dont le merveilleux Caillebotte fait étape chez nous en ce moment et à qui nous avons prêté nos collections Louis Janmot.
Ce grand musée sentimental en 2025 serait une manière de rendre hommage à l’âme de ce lieu et à son fondateur Emile Guimet.
Pour la suite, nous devons redonner vie à cet héritage commun que constitue Guimet, et ainsi que le voulait son fondateur l’ouvrir aux différents langages, en faire un outil de compréhension artistique et sensible du monde, des mondes. Le conjuguer au présent, au futur et le transmettre aux générations suivantes. Comment l’innovation, le nouveau monde, se crée à partir d’un lieu patrimonial qui continue à nourrir l’imagination des esprits !
Quoi de mieux pour cela que de travailler sur l’image, les images ? La photographie a toute sa place dans ce lieu, à Lyon où elle existe si peu. Accueillir des expositions de photographie, mais plus que d’accueillir des expositions, en faire un lieu de pratique et de fabrique de l’image et des images. On peut imaginer des ateliers-chambres noires où seraient accueillis des écoliers, des collégiens, des lycéens pour les initier à la pratique de l’argentique dans le cadre de notre politique ambitieuse en matière d’éducation culturelle et artistique.
Apprendre aux enfants et aux jeunes à regarder. Regarder leur environnement (et on peut imaginer des balades urbaines dans le 6e, des balades au Mac, des balades au parc de la Tête d’or. Le 6e arrondissement deviendrait ainsi une nouvelle terre d’exploration pour la jeunesse). Regarder leur environnement et se regarder. Porter un regard sur soi, oser être regardé par l’autre. Créer l’échange.
Je terminerai en disant qu’évidemment au-delà de la technique de l’argentique, comment ne pas imaginer des ateliers et postes de travail numériques pour pouvoir jouer avec les images, créer avec elles ? Comment ne pas imaginer un travail, pourquoi pas avec Joris Mathieu, autour de spectacle vivant et arts numériques ? Comment ne pas imaginer une salle de réalité virtuelle dans cette rotonde du haut du musée Guimet ?
Alors voilà, Monsieur le Maire, la demande faite par le groupe Lyon en Commun n’est pas la demande d’une réponse immédiate ; elle est de donner l’occasion à votre adjointe, à vos adjoints, de se projeter sur le devenir complexe mais possible du musée Guimet, d’ouvrir les possibles pour les années à venir.

Je vous remercie de votre attention.