Faire polémique, c’est empêcher le débat d’idées

Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les élu.e.s,

Si je prends la parole ce matin, c’est pour vous dire ma tristesse, en tant qu’adjointe à la culture, face aux modalités politiciennes qui ont instrumentalisé, très récemment, l’acte de création. 
Par un tweet, par quelques mots, par quelques images isolées de leur contexte, on peut décider de jeter en pâture aux réseaux sociaux le nom d’artistes.
Et j’imagine parfaitement l’excitation des équipes de communicants, la délectation des staffs politiciens, à l’idée d’avoir trouvé des éléments dont on est sûr qu’ils seront vus et revus, envoyés sans analyse et dont on pense et espère au passage que le discrédit pourra rejaillir sur une équipe municipale.
Peu importe la réalité des faits, peu importent les conséquences sur les uns et sur les autres.

Les conséquences, quelles sont-elles ?
Une équipe de création, en résidence dans un lieu institutionnel et soutenue via celui-ci par une subvention versée par l’Etat, s’est trouvée contrainte d’annuler ses représentations, submergée par les attaques dont les artistes qui la composent ont été la cible directe.
Une polémique, une annulation, sans doute une victoire aux yeux de certains.
De ceux qui pensent que l’engagement en politique consiste à s’agiter, faire parler de soi, médiatiser ses jugements, mobiliser les média, même sur du faux, même en mettant en danger celles et ceux que l’on pointe. Quoi qu’il en coûte, en quelque sorte.
C’est donc en cela que réside la proposition d’affrontement politique que certains nous proposent ; à cet endroit-là qu’ils situent leur rôle politique.

Je vais me permettre ici, solennellement, d’en appeler une nouvelle fois et peut-être plus gravement encore qu’antérieurement à notre collective responsabilité politique.
Les uns et les autres nous avons été élu.e.s. Nous nous sommes présenté.e.s selon des règles démocratiques et les électeurs et électrices nous ont fait confiance. Confiance pour participer collectivement à la construction d’une société dont les valeurs ne font pas débat : le respect, la solidarité, le concours de toutes et tous au vivre ensemble.

Il est très grave de briser ce pacte, de déraper. Faire polémique n’est pas faire politique. C’est même pire que de ne pas faire politique, c’est l’empêcher. C’est empêcher le débat d’idées, le conflit médiatisé dans les espaces qui en permettent la réelle expression, c’est condamner l’échange responsable d’élu.e.s responsables que nous sommes ou devrions être.
Quel pourcentage des citoyens qui ont tweeté ou retweeté vont suivre le conseil municipal ? Quels sont les lieux de la parole politique ? Quel est le cadre d’un débat éclairé, quel qu’en soit le thème (liberté de création ou autre) ? En quoi finalement consiste le mandat qui nous a été remis ? A essayer de discréditer nos opposants en espérant que cela servira des carrières personnelles ?  Pense-t-on sincèrement lutter contre la fracturation de notre pays en compromettant l’information, en exacerbant les peurs et les violences, en renonçant à l’échange éclairé de points de vue de société ? 

Le débat d’idées et le conflit politique nécessitent plus de courage intellectuel et sans nul doute plus de rigueur.
Je ne sais pas si nous en sommes collectivement capables. Pour celles et ceux qui le seront, vous me trouverez toujours disposée à l’échange et à la construction démocratique.

Monsieur le Maire, Mesdames et Messieurs les élu.e.s, j’ai tenu à poser ma réflexion à partir de ma délégation à Lyon sur les questions culturelles. Pour autant, en prononçant ce propos préalable j’ai évidemment en tête la mort de Nahel à Nanterre et les heures que nous traversons depuis, des heures qui seront encore longues.
Dans ce contexte national, la tristesse que j’évoquais précédemment devient douleur, une douleur que le groupe Lyon en Commun partage avec vous Monsieur le Maire, avec vous toutes et tous ici, et bien sûr avec la famille et les proches de Nahel.