Monsieur le Maire,
Collègues,
Chers habitantes et habitants,
Comment ne pas commencer ce conseil d’arrondissement sans évoquer la journée d’hier et ce qui se passe à Lyon depuis de trop nombreux mois ?
Comment ne pas commencer ce conseil en rappelant que désigner le 1er mai par les mots « fête du travail » est en fait une qualification pétainiste et que notre camp social célèbre la Journée internationale des droits des travailleuses et des travailleurs, en hommage aux évènements de 1886 à Chicago où le sang de la lutte fut versé pour obtenir la journée de huit heures?
Comment ne pas commencer ce conseil en dénonçant la brutalité avec laquelle Macron s’est acharné à mettre en oeuvre sa réforme des retraites ? Sans concertation ? Qui a poussé les Lyonnaises et les Lyonnais dans la rue afin d’espérer lui faire entendre raison ?
Comment, enfin, ne pas commencer ce conseil dans la douleur, car que ce soit du côté de la police ou des manifestants, il y a eu de nombreux blessés, tous citoyens français ?
Je voudrais ici me joindre au sentiment exprimé par notre collègue Lévy, malheureusement absent, qui, sur Twitter, hier, écrivait qu’il avait mal à sa ville.
Alors, collègues, j’ai également mal à ma ville, tout comme les élus du groupe Lyon En Commun, à notre Lyon, qui subit de plein fouet la colère de certains et l’entêtement d’un homme, fût-il locataire du château élyséen.
J’ai mal à ma République que l’on vide de son contenu social pour n’en retenir que l’ordre républicain et justifier ainsi la brutalité aveugle d’un régime qui accoste les rivages de l’autoritarisme.
J’ai mal à ma France, comme aurait pu le chanter Jean Ferrat. La France, pays des Lumières, qui voit ses enfants se battre pour leurs droits élémentaires. Pays de Montesquieu dont on a aujourd’hui oublié la Lettre, l’esprit de la Lettre, jusqu’au nom.
Alors face à cette situation, il est facile d’examiner les symptômes, il est plus difficile d’en déterminer puis d’en combattre les causes.
Qu’il est pratique et confortable d’exercer le sport favori de certains en éructant “Vous condamnez les violences ?” sans bien y réfléchir.
Des vitrines de commerçants Lyonnais fracassées. “Vous condamnez les violences ?”
Le journaliste Rémy Buisine frappé à terre, en sang, hier dans les rues de Paris. “Vous condamnez les violences ?”
Des fonctionnaires de police à bout, fatigués, harassés par des consignes parfois contradictoires, sur le terrain pendant des heures, des jours, ce qui se traduit par des démissions ou des suicides, un tous les quatre jours. “Vous condamnez les violences ?”
Des grenades lacrymogènes atterrissant dans les appartements de Lyonnaises et de Lyonnais qui risquent alors l’asphyxie et qui ont le malheur d’habiter sur le parcours de la manifestation.” Vous condamnez les violences ?”
L’usage répété de gaz lacrymogènes, toxiques à haute dose, dénoncé par les syndicats policiers eux-mêmes, qui mettent en danger policiers comme manifestants. “Vous condamnez les violences ?”
La main d’un manifestant arrachée hier à Nantes. “Vous condamnez les violences ?”
Une grenade de désencerclement qui, mal lancée, a failli hier encore ôter la vie à un policier. “Vous condamnez les violences ?”
Des jeunes femmes palpées dans ce qui s’apparente à un viol de leur intimité. “Vous condamnez les violences ?”
Des millions de salariés qui vont perdre deux ans de leur vie à se tuer à la tâche. “Vous condamnez les violences ?”
Les faits sont têtus, comme dirait l’autre, et ils s’accumulent. Tout le monde y perd dans cette réforme, policiers, citoyens. C’est l’entêtement d’un seul homme qui déchire le pays et provoque les violences, la douleur et le malheur.
Alors quelle solution ? On peut dire que la source de l’ordre, c’est la justice et le plus sûr garant de la tranquillité publique, c’est le bonheur des citoyens.
Quelles leçons tirer de ce contexte, pour nous élus locaux?
Il faut avoir une parfaite conscience de ses propres limites, surtout si on veut les élargir et, oserais-je ajouter, les perfectionner. Il faut transformer le manque démocratique en appel d’air à Lyon par des consultations, des co-constructions, que sais-je encore. Permettre aux Lyonnaises et aux Lyonnais de pouvoir faire ensemble afin d’assurer à toutes et à tous un peu de bonheur.
Je ne souhaite qu’une chose, collègues, c’est qu’il flotte autre chose qu’un parfum de soumission dans les bureaux, les écoles, les usines, les magasins, les hôpitaux… Je ne souhaite qu’une chose, c’est que le printemps vienne enfin.
Malheureusement, c’est l’été qui vient trop vite. Observons ce qu’il se passe de l’autre côté des Pyrénées, la canicule était déjà là en avril. Alors, nous formons le vœu que la mairie du 8ème en lien étroit avec le CCAS mette tout en oeuvre pour protéger les plus âgés d’entre nous et assurer un suivi de leur situation. Les îlots de fraicheur ne sont pas un aménagement optionnel, ils deviennent dès lors une nécessité.
Les crispations du présent ne doivent pas nous faire oublier l’intemporel et le lien qui doit nous unir. Michèle Le Dily et Mathieu Azcué sont allés visiter les personnes âgées pour une traditionnelle visite du 1er mai. Il nous faut préserver coûte que coûte, oserais-je dire quoi qu’il en coûte ?, l’idée de fraternité indispensable à la vie urbaine.
La nécessité, c’est aussi la solidarité, en ces temps où l’inflation sur les produits du quotidien atteint un peu moins de 20% et où le logement pèse toujours plus dans le budget des ménages, Mathieu Azcué en dira un mot. Nous nous félicitons de l’ouverture d’une deuxième maison de la métropole au quartier Jet d’eau. Même si c’est modeste face à l’ampleur de la tâche, c’est un pas. La Ville, comme la Métropole ne peut pas tout. Nous la soutenons car nous croyons fermement en une politique d’accès au droit.
Pourtant, il y un rayon de soleil. C’est le Ciel, notre théâtre du quartier des États-Unis, qui rayonne et Angélique Valla saura mieux que moi mettre en valeur ses actions.
Alors, collègues, dans ce contexte difficile, brutal et douloureux, interrogeons-nous sur les moyens mis en oeuvre pour améliorer le quotidien. Habitantes et habitants, construisons ensemble. Activons tous les leviers qui nous permettent d’alléger la peine du quotidien pour qu’enfin le soleil lyonnais dissipe la grisaille nationale.