La vidéo-verbalisation n’est pas une solution magique

Monsieur le Maire,
Monsieur l’Adjoint à la Sécurité,
Chers collègues,

En introduction, nous souhaitons tout d’abord remercier notre Adjoint à la Sécurité, Monsieur Mohamed CHIHI, pour son écoute, son engagement et sa capacité à dépasser les vieilles recettes de l’exécutif précédent, dont Monsieur SÉCHERESSE et Monsieur COLLOMB, soutenus par leurs nouveaux amis de droite, se font les inlassables porte-parole.

Quel crédit pouvons-nous encore apporter à un homme qui ne laissera aucun souvenir de son passage au ministère de l’Intérieur et un autre qui s’enorgueillit du bilan d’un politique libérale aux conséquences désastreuses sur le vivre ensemble ?

Les élus d’arrondissement de Lyon en Commun concernés par cette délibération ont fait part de leurs doutes, questionnements et propositions sur le sujet de la vidéo-verbalisation. Nos interventions et préconisations ont permis de réajuster la délibération qui vous est proposée aujourd’hui et nous nous en félicitons.

Nous considérons la sécurité publique comme un enjeu social majeur, car les plus pauvres, les plus précaires, les derniers de cordée sont toujours les premières victimes des violences, des délits et du mépris des lois de la République.

Aussi examinons-nous chaque outil au service de ce droit inaliénable à la sécurité avec rigueur et sans le dogmatisme dont on voudrait nous caricaturer.
Parmi ces leviers possibles figurent les dispositifs de vidéo-protection, déclinés en vidéosurveillance et en vidéo-verbalisation qui font l’objet du présent rapport.
Et, sur le sujet, notre approche fait la part de ce qui relève de la nécessaire vigilance quant aux tentations de restriction des libertés possiblement permises par les technologies et de ce qui relève de la nécessaire efficience de l’action publique.
Nous sommes convaincus que les efforts doivent porter principalement sur la prévention et sur le terrain, via des relations humaines au quotidien.

Nous alertons sur les dérives potentielles de systèmes technologiques supposés complémentaires, mais qui, on le sait bien, tendent inexorablement à remplacer l’action humaine tout en portant atteinte fondamentalement, malgré les précautions de forme, sur nos libertés individuelles.

Dans toutes les villes où l’usage de la vidéosurveillance et ses nombreuses déclinaisons a été amplifié, nous retrouvons la même mécanique :

Première phase, la phase de l’entre-soi : rénovation, spéculation, augmentation des loyers, gentrification qui entraînent une disparition de la mixité sociale, des systèmes de solidarité et d’autorégulation ;

Deuxième phase, la concentration des richesses, appropriation des investisseurs qui, pour beaucoup, n’arriveraient même pas à placer Lyon sur une carte, des espaces de vie d’un quartier, les logements, les bâtiments publics, qui entraînent la disparition des services publics, de rues, l’implantation de franchises et de grands groupes commerciaux ;

Troisième phase, la mise sous perfusion. Dépossédés de leur capacité à créer du vivre ensemble, ces quartiers vitrines ou musées, néo-commerciaux, en appellent à la force publique pour réguler les nombreux dysfonctionnements générés par la destruction de leur tissu social. Une société urbaine anonyme et consommatrice sans défenses immunitaires propres dans laquelle nous allons injecter de la vidéosurveillance, de la vidéo-verbalisation et autres produits magiques en espérant une guérison.

Vous aurez sans doute reconnu, Monsieur COLLOMB et Monsieur SÉCHERESSE, de nombreuses similitudes avec votre modèle lyonnais, votre héritage, qui provoque chez de nombreux habitants une colère légitime, colère dont vous êtes les principaux responsables.

Comme les élus de Lyon en Commun et plus largement de notre majorité ne croient pas à la magie, nous souhaitons un diagnostic rigoureux de ces dispositifs.

Les résultats des études existantes, principalement des études anglo-saxonnes, sur la vidéo-surveillance, la vidéo-verbalisation et autres produits dérivés piqueraient les yeux de tout bon médecin qui souhaiterait soigner convenablement son patient.
À noter que ces études manquent cruellement sur les villes françaises déjà équipées, ce qui permet encore à de nombreux élus, comme le démontrent encore les interventions de Madame GAILLIOUT ou de Monsieur OLIVER, de brandir leur outil magique pour répondre aux problématiques sécuritaires, même si ces mêmes outils pèsent de plus en plus lourd sur le budget des collectivités.

Je ne m’attarderai pas sur les études concernant la vidéo-surveillance aux résultats très décevants. Que retenir des quelques données que nous pouvons recueillir sur la vidéo-verbalisation ? Son efficacité semble faire consensus sur le stationnement gênant ou encore l’usage des voies cyclables ou des voies réservées aux transports collectifs. Pour le reste des infractions que ce dispositif est censé verbaliser, rien ne prouve aujourd’hui sa réelle efficacité. Là encore, cet outil ne pourra pas nous protéger ou prévenir des comportements routiers nuisibles ou dangereux, seules une présence humaine et une politique préventive volontariste pourront répondre à ces objectifs.

Lorsque notre diagnostic sera réalisé comme il est indiqué dans la délibération qui nous occupe, notre majorité aura la responsabilité de le rendre public. Les Lyonnaises et les Lyonnais pourront juger de son rapport coût-efficacité. Ils pourront également réaliser que seuls les humains peuvent protéger efficacement leurs pairs. Une caméra ne fait que constater et, dans le meilleur des cas, alerter, mais souvent trop tard.

Dans 18 mois, deux choix s’imposeront alors à nous : poursuivre les vieilles recettes magiques en rajoutant des ingrédients technologiques, comme le déploiement de nouvelles caméras, la mise sous écoute de l’espace public, l’utilisation de drones ou la reconnaissance faciale, etc., ou alors rompre avec les anciennes pratiques en agissant sur les causes identifiées sur la mécanique précitée.

Nos leviers sont nombreux : l’éducation, la culture, l’encadrement des loyers, la déconcentration des richesses, tout ce qui pourra participer ou favoriser la mixité sociale, mixité sociale qui est la condition du vivre ensemble et de l’exercice de nos solidarités.

Monsieur le Maire, chers collègues, les élus de Lyon en Commun seront force de proposition et œuvreront sans relâche au sein de notre majorité pour que Lyon retrouve l’apaisement et sa qualité de vie sans avoir recours aux outils technologiques dont les effets positifs sont bien en deçà de ce que les Lyonnaises et Lyonnais sont en droit d’exiger en matière de sécurité.

En attendant le résultat du diagnostic proposé dans cette délibération, les élus de Lyon en Commun s’abstiendront sur cette délibération.

Enfin, nous terminerons notre propos par un appel à la vigilance. Aujourd’hui, nous savons qui est derrière la caméra, mais demain ?