Pourquoi un investissement de 5 M€ en matériel de vidéo-surveillance ?

Monsieur le Maire, Chèr·e·s collègues,

Si nous saluons l’action globale de M. Mohamed CHIHI pour la sécurité et la tranquillité publique des Lyonnaises et des Lyonnais, ainsi que sa vigilance constante sur les projets que nous menons ensemble, nous sommes circonspects sur la délibération qui nous occupe aujourd’hui.

Nous saluons la décision de ne pas doter la ville de caméras supplémentaires et nous tenons à rappeler à ceux qui en veulent davantage, qu’il faudrait ajouter un nombre considérable de ressources humaines pour assurer la capacité d’exploitation de ces outils.

Mes collègues de Lyon en Commun et moi-même sommes réservés quant à l’investissement de 5 millions d’euros, pour les 5 années à venir, dans le renouvellement de l’équipement de vidéo-surveillance.

Comme vous le savez toutes et tous, désormais, les élus de Lyon en Commun défendent avant tout la proximité et les rapports humains, en matière de sécurité et de tranquillité publique. Nous avons déjà fait en ce sens de nombreuses propositions, que je ne reprendrai pas ici.

Nous ne faisons pas mystère non plus de notre scepticisme, et c’est un euphémisme, quant à l’efficacité des systèmes de vidéo-surveillance en termes de protection. Malheureusement, l’actualité ne peut nous donner tort.

Pas plus tard que samedi dernier, une quarantaine d’individus cagoulés, pour certains armés de pavés, vraisemblablement d’extrême-droite, ont pu déambuler dans les 5e et 1er arrondissements pour attaquer la librairie La Plume Noire, dans les Pentes de la Croix-Rousse. Comment cela a-t-il pu se produire malgré la présence de nombreuses caméras dans les rues ?

On voit une fois de plus que la machine ne peut pas remplacer pas l’être humain. Qu’elle ne DOIT pas remplacer l’être humain.

Cela suscite chez nous, élu·e·s du groupe Lyon en Commun, un certain nombre d’autres questions dont voici une liste non exhaustive :

Qui est habilité à obtenir les vidéos enregistrées ? La police municipale, ou bien un magistrat ?

Certes, le dispositif vidéo apporte souvent de l’aide à l’élucidation des délits. « Les ultras », comme se plait à nous appeler Monsieur Sécheresse, n’ont jamais affirmé le contraire. Néanmoins, son effet dissuasif et donc protecteur est tout à fait discutable et l’actualité le montre régulièrement.

Vous êtes plusieurs à avoir indiqué aujourd’hui que le Monsieur le Procureur de la République et Monsieur le Préfet à la sécurité ont récemment affirmé, je cite Monsieur Collomb, « qu’ils ne sauraient assurer la tranquillité publique sans vidéo-protection ».

Cette information nous amène justement à la question suivante : notre collectivité ne serait-elle pas en train de financer des équipements de vidéo-surveillance qui permettent le travail d’acteurs aux missions et compétences régaliennes ? Autrement dit, ne serions-nous pas en train de nous substituer à l’État ?

Le calendrier des investissements prévus pour le renouvellement du parc de vidéo-surveillance nous interroge également. 3,1 millions d’euros, soit plus de la moitié de la somme totale envisagée, sont affectés pour 2021 et 2022.

Pourtant, au mois de janvier, notre Conseil Municipal a acté deux décisions, que nous tenons à souligner et qui correspondaient à des demandes de notre part :
La première concerne la réalisation d’un audit indépendant sur la vidéo-verbalisation, prévu avant toute nouvelle prorogation.
La seconde stipule que le dispositif de vidéo verbalisation durera jusqu’au 28 juillet 2022 et fera lui aussi l’objet d’une évaluation.

Dès lors, n’aurait-il pas été judicieux et prudent d’attendre 2023 avant d’engager des fonds aussi conséquents ? À cette date, les résultats de ces études nous auraient sans doute apporté des informations essentielles sur l’efficacité, ou non, de ce type de systèmes dont les coûts sont très élevés pour notre collectivité.

Nous tenons à rappeler qu’à notre connaissance, en France, il n’y a jamais eu de travail scientifique rigoureux d’analyse, sur le long terme, ni sur la vidéosurveillance, ni sur l’impact de la vidéo-verbalisation.

Mes collègues de Lyon en Commun et moi-même sommes donc toujours, vous l’aurez compris, dubitatifs sur l’ensemble de ces points. Sur ces questions, pour paraphraser Socrate, la seule chose que nous savons c’est que nous ne savons rien. C’est donc avec une certaine humilité que nous nous abstiendrons sur cette délibération.

Je vous remercie pour votre attention et puisque c’était la dernière délibération du jour, je vous souhaite une bonne soirée, à l’abri de nos caméras respectives.