Face à une loi qui stigmatise les fonctionnaires, la Ville a souhaité au contraire les considérer

Laurent BOSETTI, adjoint à la Promotion des services publics, rappelle qu’au 1er janvier 2022 avec la loi de formatage de la fonction publique, les agents devront désormais travailler 1607h par an.
Face à cette loi, la Ville a souhaité considérer les agents, en utilisant une disposition du texte qui permet à l’employeur de reconnaître la pénibilité des métiers. Les personnels dits « de première ligne », soit environ 5 000 agents davantage touchés par l’usure professionnelle, conserveront leurs horaires actuels.
Pour les autres, de nouveaux cycles horaires, leur permettront de compenser la perte sèche de jours de repos avec des RTT.
Cette reconnaissance en pénibilité nécessiterait une véritable réduction du temps de travail à 32h, pour réduire significativement l’usure professionnelle. Laurent BOSETTI appelle donc à une grande réforme nationale du temps de travail.

👉 voir la vidéo

Chers collègues, vous connaissez peut-être le groupe LDLC, qui est côté en bourse et qui est un acteur majeur du matériel informatique et high-tech. 800 collaborateurs, 80 magasins, 7 plateformes de ventes en ligne. Cette entreprise a son siège social dans notre agglomération à Limonest.

Laurent Villemonte de la Clergerie, son président, n’est a priori ni communiste, ni insoumis, mais il a fait le choix en 2021 de passer l’ensemble de ses salariés à 32h sur 4 jours, à salaire constant, non pour faire un coup de communication nous dit-il, mais pour améliorer la qualité de vie au travail au sein de son entreprise.
C’est là une belle expérience dans laquelle s’est engagée LDLC. Pourtant, au 1er janvier 2022, les collectivités territoriales, elles, ne pourront plus tenter l’expérience. Avec la loi de formatage de la fonction publique, les agents devront désormais travailler 1607h par an et surtout pas une seconde de moins.

Contrairement au secteur privé, il ne sera plus question de pouvoir expérimenter des accords locaux sur le temps de travail. Tout le monde marchera au pas et tant pis pour l’autonomie des employeurs territoriaux, tant pis pour le dialogue social, tant pis pour la responsabilité sociale de l’employeur.
Mais au fond, de quelle situation parle-t-on à la Ville de Lyon ? De quel crime de lèse-majesté les agents se sont-ils rendus coupables ? Tenez-vous bien, il s’agit en fait d’une vingtaine d’heures de repos sur les 1607 heures annuelles que prévoit la loi. Voilà ce qui fait frémir la droite locale, voilà ce qui hystérise les apothicaires de la CANOL, les uns et les autres passant leur temps à compter les heures des fonctionnaires plutôt qu’à saluer leurs efforts.

Dans un de ses rodéos médiatiques dont il a le secret, mon très cher collègue Pierre OLIVER déplorait récemment ce que les fonctionnaires municipaux allaient coûter aux contribuables lyonnais. Mais mon cher Pierre, remerciez plutôt nos agents ! Après bientôt deux ans de crise sanitaire, changez vos représentations sur l’engagement des agents publics.
Avez-vous compté le nombre de jours travaillés et non récupérés stockées sur les compte-épargne temps des agents ? Plus de 6 millions de jours au niveau national ! Avez-vous compté leurs heures supplémentaires ? Les heures supplémentaires des cadres, jamais dénombrées, jamais remerciées ? Avez-vous prêté attention aux services publics qui fonctionnent 24h sur 24h, 7 jours sur 7 ? Au travail de nuit ? Au travail du dimanche ? Aux ATSEM qui enfilent des journées de 10h ? Tout ceci avec des salaires indiciaires gelés depuis plus de 10 ans.

Mesdames, Messieurs, Chers collègues,
A Lyon, nous sommes fiers de notre service public. Notre exécutif est fier des agentes et des agents municipaux. Face à cette loi qui stigmatise les fonctionnaires, nous avons souhaité au contraire les considérer, en se saisissant d’une disposition du texte qui permet à l’employeur territorial de reconnaître la pénibilité des métiers. Ceci à travers les rythmes de travail, le port de charge, les gestes répétitifs, les environnements de travail plus exposés…
Pour tous ces personnels dits « de la première ligne », davantage touchés par l’usure professionnelle, nous proposons de conserver leurs horaires actuels, soit en moyenne trois jours de repos bonifiés par an. Environ 5000 agents, soit près de 60% du personnel municipal, verront ainsi leur temps de travail inchangé. Pour les autres agents, nous proposons de nouveaux cycles horaires, à 38h ou 38h45, qui permettront de compenser la perte sèche de jours de repos avec des RTT. Nous faisons ainsi valoir pleinement notre responsabilité sociale d’employeur.

Chers collègues, cependant soyons honnêtes, cette reconnaissance en pénibilité reste avant tout symbolique, même si elle est évidemment très importante pour les agents. Car il nous faudrait aller sur une véritable réduction du temps de travail à 32h si nous voulions réduire significativement l’usure professionnelle. Ce que la loi ne nous permet plus. C’est donc à une grande réforme nationale du temps de travail que nous appelons aujourd’hui.
Demain, lorsque je siégerai à la commission de réforme médicale, j’examinerai encore des dizaines de dossiers d’ATSEM, d’agents d’entretien, de jardiniers municipaux, d’aides-soignantes, toutes et tous inaptes physiquement en seconde partie de carrière, condamnés à une reconversion professionnelle subie et souvent douloureuse, voire mis à la retraite pour invalidité avec une pension de misère. C’est aussi à tous ces « invisibles » que je veux dédier notre travail et le « bouclier social » que nous mettons aujourd’hui en place.

Il s’agit là bien sûr d’une première marche. Nous avons aussi inscrit à l’agenda social 2022, avec les représentants du personnel, un dossier ô combien important sur la prévention des risques professionnels. Je veux dire solennellement aux agents combien nous serons engagés à leurs côtés sur ce chantier. Dans l’attente, je vous invite à voter favorablement ce « bouclier social ».