Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs, chers amis,
Je retrouve aujourd’hui les bancs de notre assemblée situés symboliquement à gauche de la tribune centrale, des bancs qui me sont familiers et que je rejoins avec beaucoup d’émotion bien-sûr mais aussi avec une grande sérénité.
Une sérénité que je dois à l’honneur pour moi de siéger aux côtés des élus de Lyon en commun qui depuis bientôt quatre ans travaillent au service de leur délégation comme au service de notre ville. Un travail auquel ils se dévouent sans relâche ;
des élus que je remercie pour l’honnêteté intellectuelle et politique dont ils ont toujours fait preuve, ainsi que pour leur amitié, cette amitié dont Aristote fait la vertu la plus importante de toutes. Cette amitié qui, comme le dira bien plus tard Hannah Arendt, « n’est pas qu’un phénomène de l’intimité », mais revêt à l’inverse une dimension politique en tant qu’une « des conditions fondamentales du bien-être commun » et, je rajouterai, de l’être au monde.
Une sérénité que je dois également à ces quatre années que j’ai passées, moi aussi, au service.
Non pas au service d’un maire, parce que j’ai toujours été une femme engagée et libre.
Non pas au service de l’écologie, car si la question écologique est une donnée essentielle de notre monde contemporain tel qu’il nous a été légué par des générations précédentes aveuglées par le mythe d’un monde sans fin ni limite, la question écologique –même prise au sens d’écologie politique- n’est pas le seul horizon de ma pensée ni de mon action politique.
Si en tant qu’adjointe depuis le 4 juillet 2020, j’ai été inlassablement -et je dirai presque corps et âme- au service, c’est au service d’une politique publique : celle de la Culture !
Et quand je dis Culture, je ne dis pas « événements culturels », je ne dis pas « droits culturels », je ne dis pas « éducation artistique et culturelle », je dis Culture en ce sens qu’elle forme un tout que l’on ne peut scinder au risque de passer à côté de ce qu’est vraiment cette délégation.
La délégation culturelle est éminemment politique.
Elle est éminemment politiquesi elle veut bien traiter des conditions de la création artistique. Pour ma part, j’ai fait de cette question une des priorités de mon mandat.
J’ai été particulièrement vigilante au versement des cachets aux techniciens et artistes du spectacle vivant, qui donnent accès au régime spécifique de l’intermittence. J’ai voulu que nous soyons exemplaires dans le cadre de nos propres événements. Ainsi cet été, l’édition 2024 du festival « Tout le Monde dehors » représentera 644 cachets versés au total.
Parallèlement, et à ma demande, ont été revalorisées les grilles indiciaires des techniciens municipaux qui travaillent dans nos théâtres ainsi qu’à l’Opéra. Je vous ai également proposé en mars dernier de voter une augmentation du budget dédié à l’Auditorium-Orchestre National de Lyon afin de réévaluer les salaires de nos 104 musiciennes et musiciens permanents et reconnaître comme il se doit la réalité de leur profession.
Par ailleurs, nous avons soutenu l’activité des auteurs, autrices, peintres, photographes, artistes plasticiens par de la commande publique et de l’acquisition d’œuvres. Cette réponse reste partielle et ne remplace pas les avancées nécessaires en matière de droit des artistes-auteurs à un salaire minimum ou aux prestations de chômage et de maladie par exemple.
J’ai proposé à ce titre que Lyon puisse être un territoire d’expérimentation pour un nouveau régime social. Cette proposition implique des temps de travail et de négociations avec les différents services de l’Etat concernés, les organisations professionnelles et syndicales. Prise par le temps, je n’ai pas pu avancer autant que je l’aurais souhaité sur ce point, mais j’espère que ce travail amorcé se poursuivra.
Et puis durant ces quatre années, nous avons ouvert ou soutenu partout dans la ville denouveaux lieux dédiés à la création, le dernier en date étant 1.500 mètres carrés rue Ayasse dans le 7e arrondissement. Parmi les projets lancés, je pense aux futurs Ateliers de la danse que nous inaugurerons fin 2026, aux travaux à venir de la Villa Gillet et des Subsistances.
La délégation culturelle est éminemment politique aussi quand elle porte véritablement, ainsi que je l’ai fait, les questions de transmission et d’émancipation. J’ai soutenu -plus que jamais par le passé- nos écoles publiques d’enseignement artistique que ce soit notre Conservatoire, l’Ecole supérieure des Beaux-Arts de Lyon, ou bien la Cinéfabrique que j’ai tenu à accompagner financièrement dès 2021 tant cette école supérieure publique de cinéma est exemplaire et extraordinaire. D’ailleurs c’est une jeune diplômée de l’école, Louise Courvoisier, qui vient de remporter à Cannes le prix de la jeunesse 2024 avec son premier long métrage « Vingt Dieux ».
Pour la première fois cette année nous soutenons aussi le Centre national de la Danse de Lyon qui vient d’ouvrir une école de l’égalité des chances nommée ELAN, qui formera gratuitement chaque année des jeunes de 15 à 19 ans issus des quartiers prioritaires en politique de la ville et leur ouvrira les voies de la professionnalisation dans la danse.
Mais la transmission et l’émancipation passent aussi par la chair, par l’expérience intime d’une émotion.
Qui par exemple ici n’a pas en mémoire le grand concert gratuit du 24 juin 2023 avec cette incroyable émotion ressentie quand les premières notes de la symphonie du Nouveau Monde jouées par l’Orchestre national de Lyon se sont élevées au Parc de la Tête d’Or devant 20.000 Lyonnaises et Lyonnais simplement assis les uns à côté des autres sur les pelouses du parc ?
Comment ne pas garder en mémoire l’émotion des dizaines de milliers de jeunes gens lors de la venue de Tim Burton, notre grand prix Lumière 2022, ou celle des Lyonnaises et des Lyonnais à l’occasion de la réouverture du Musée Guimet pour la Biennale d’Art Contemporain ?
Ce lieu, le musée Guimet, fait partie de notre héritage public et commun, il fait partie lui aussi, quelque part, de la chair de notre ville, ce qui en fait l’histoire, la singularité, la vie. Nous n’avons pas le droit de le céder mesdames et messieurs les élus, il en va de notre responsabilité individuelle et collective. Et dans ce dossier face à la volonté politique, rien n’est insurmontable ni techniquement, ni financièrement. Il s’agit juste d’un choix.
La délégation culturelle est éminemment politique aussi quand nous faisons de la culture un pari contre les risques autoritaires et totalitaires. Quand sous l’impulsion de Joris Mathieu et Jean Bellorini, nous abritons une troupe de théâtre de femmes afghanes, quand avec les Ateliers du Grand Large nous accueillons une artiste plasticienne iranienne, quand à ma demande la Ville acquiert des dessins de l’artiste syrien Najha Albukai, quand nous accueillons avec la Villa Gillet, le festival Sens Interdit, le théâtre des Célestins, le Ciel, les Subsistances ou encore l’auditorium-ONL de Lyon des auteurs et artistes palestiniens, arméniens, ukrainiens ou des dissidents russes qui combattent le régime de Poutine, oui tout ceci est politique !
Il en va de même quand nous renforçons les équipes et les moyens du musée de la Résistance et de la Déportation à Lyon. Sous la direction de la remarquable Isabelle Rivé, le CHRD participe à la lutte indispensable contre l’oubli, le relativisme, le révisionnisme.
Et je suis fière de voir que nous sommes capables de rendre hommage à ce héros de la Nation qu’est Jean Moulin tout en ne passant plus sous silence le rôle de sa sœur Laure Moulin. Car oui la Résistance fut aussi l’affaire des femmes, nous le savons bien à Lyon avec Lucie Aubrac ou Denise Domenach. La très belle exposition consacrée il y a quelques mois par le CHRD à Madeleine Riffaud nous l’a rappelé également.
Il est politique aussi d’agir pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la culture. Nous avons inscrit l’objectif de la parité réelle dans notre charte de coopération culturelle et j’observe avec beaucoup de bonheur que ce travail porte ses fruits puisque l’Opéra de Lyon par exemple proposera une saison 2024/2025 totalement paritaire avec autant d’opéras mis en scène par des femmes que par des hommes. De même, je suis heureuse d’avoir accompagné l’association HF+ dans son travail de plaidoyer pour l’égalité femmes-hommes, mais aussi dans la mise en place d’une permanence d’accueil, d’écoute et d’orientation ouverte à toute personne victime ou témoin de violences sexuelles, sexistes et de genre dans les arts et la culture.
De même il est politique de penser qu’un directeur d’établissement qui atteint 67 ans, soit l’âge de la retraite, et dont le contrat à durée déterminée arrive à échéance, doit pouvoir laisser calmement son poste et surtout avoir eu la responsabilité de préparer sa succession. Il est politique aussi de penser et faire autrement.
Je ne veux pas être trop longue mais je voudrais vous dire aussi que la délégation à la culture est protéiforme, qu’elle implique l’écoute et la rencontre avec de très nombreux acteurs culturels, dans la diversité des statuts juridiques et professionnels, dans la pluralité des esthétiques.
Des rencontres que j’ai d’abord faites dans notre ville et notre métropole, mais aussi en France et en Europe : je pense à mes déplacements (en train) à Metz, Avignon, Rouen, Aix-en-Provence, Lille, Clermont-Ferrand, Marseille, Arles, Paris, Barcelone, Milan, Turin, Berlin,… Je pense à toutes les rencontres qui étaient à venir. Pour toutes ces rencontres, pour tous ces échanges passionnants et passionnés, je veux dire merci.
Et d’abord merci à tous les artistes, à tous les auteurs et autrices, à toutes les équipes salariées comme bénévoles qui font vivre les lieux culturels comme les festivals. Merci à toutes les personnes engagées pour les arts et la culture que j’ai eu le bonheur de rencontrer, d’écouter, de regarder. Merci de m’avoir nourrie intellectuellement, artistiquement, émotionnellement. Je vous assure de mon amour et de ma gratitude.
Merci aussi du fond du cœur aux Lyonnaises et Lyonnais, notamment celles et ceux qui ont exprimé leur soutien aux artistes pendant la crise Covid, celles et ceux qui sont revenus très vite dans les salles de spectacle, les salles de cinéma, les musées, les festivals,….
Merci bien-sûr aux différentes directions, services et équipes de la Ville avec lesquels j’ai eu le plaisir de travailler : la Direction Générale des Services, la Direction des Affaires Culturelles, la Direction Evénements et Animation, l’ensemble des agents de notre Ville avec qui j’ai travaillé tous services confondus, l’ensemble des équipes qui font vivre nos musées, nos archives, notre service archéologique, nos seize bibliothèques municipales, le théâtre des Célestins et l’Auditorium-Orchestre National de Lyon (tous deux régies directes de notre Ville), l’Ecole Nationale des Beaux-Arts et la Halle Tony Garnier (deux EPCC que j’ai présidés). Partout j’ai rencontré des hommes et des femmes dévoués à un service public de la culture, passionnés par leur métier, leur discipline, leurs esthétiques, leurs recherches, fiers de donner le meilleur d’eux-mêmes au public, aux Lyonnais et Lyonnaises, voulant leur offrir « l’Inattendu » comme me le confiait encore récemment Pierre-Yves Lenoir le directeur du Théâtre des Célestins, voulant créer « la surprise » comme me la si souvent dit Joseph Belletante, le directeur du Musée de l’Imprimerie et de la Communication Graphique.
D’ailleurs depuis deux ans ce musée bat tous ses records de fréquentation, et encore actuellement avec la remarquable exposition consacrée à Miyazaki qui attire un public qui mêle les générations et les classes sociales. Un musée de l’Imprimerie qui va bientôt connaître d’importants travaux de réhabilitation, avant de changer de nom mais ça je le garde pour moi pour l’instant !..
Il en va de même pour le Musée des Beaux-Arts dont la fréquentation a été en hausse de 17% en 2023 ou bien pour le Musée d’Art Contemporain qui a connu un rajeunissement notable de ses publics : 40 % des entrées au MAC sont le fait des moins de 26 ans ! Je tiens à saluer ici nos deux directrices, Sylvie Ramond et Isabelle Bertolotti : deux directrices remarquables, qui ont fait considérablement évoluer nos musées, qui ont mêlé audace et professionnalisme, deux femmes exceptionnelles, de celles qui ont su ouvrir des voies.
Hormis les directions de la Ville, je voudrais remercier les directions culturelles de l’Etat : que ce soit la DRAC à Lyon, la DGCA à Paris, le Centre National du Livre, l’Institut Français, le Centre National de la Musique, … des directions avec lesquelles j’ai toujours veillé à maintenir un dialogue, parfois vif mais toujours nourri et au final constructif.
Il se prépare des coupes sombres de la part du gouvernement dans le secteur culturel. Cela a été annoncé, déjà en partie vérifié. D’où la nécessité de rester d’autant plus en lien pour bien expliquer l’engagement constant de notre ville en faveur de la culture et inciter l’Etat à ne pas lâcher. Le ministère de la Culture nous avait suivis en 2023 dans la hausse des subventions à la Villa Gillet suite au départ de la Région, et en 2024 le Ministère a augmenté comme nous ses subventions à l’Auditorium-ONL de Lyon, au Périscope et au Marché Gare nos deux scènes conventionnées de Musiques Actuelles. Ce sont de très bonnes nouvelles, surtout dans le contexte national que je viens de rappeler. J’espère qu’il en sera de même aussi en 2024 pour la Maison de la Danse et les Subsistances tant les projets portés respectivement par Tiago Guedes et Stéphane Malfettes le méritent.
De même c’est le Ministère de la Culture qui, en lien avec la Préfecture, nous a labellisé fin 2023 Ville 100 % Education Artistique et Culturelle. Cette labellisation vient reconnaitre l’effort de notre Ville pour faire de l’accès aux arts et à la culture une véritable priorité partout et pour toutes et tous, c’est à dire quel que soit l’âge des publics concernés, quelles que soient les conditions économiques ou sociales, quelles que soient l’école, la maison de retraite ou la crèche, que l’on soit en soins palliatifs à domicile, que l’on soit hospitalisé ou incarcéré… la culture doit être accessible partout. En 2028, nous devrons rendre des comptes au Ministère et avoir tenu les engagements que nous lui avons présentés en 2023.
Alors, cela veut dire quoi ? Que les réseaux que nous avons rejoints (je pense au réseau UNESCO des villes créatives en littérature par exemple), que les labels que nous avons obtenus, ne sont pas là pour « faire joli » mais qu’ils nous obligent.
Cela veut donc dire qu’il ne va pas falloir faiblir, ni ralentir, encore moins reculer devant l’effort budgétaire. Il sera indispensable non pas seulement de sanctuariser le budget culturel mais bien de défendre son augmentation ainsi que je l’ai fait et obtenu chaque année depuis 2020.
Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames et Messieurs, j’ai travaillé avec ardeur et bonheur au service de la Culture à Lyon.
J’ai été loyale à notre Ville et au secteur culturel parce qu’en quatre ans j’ai construit les bases d’une politique qui va, je le pense sincèrement, permettre aux artistes et aux lieux lyonnais d’être plus solides face à la crise sociale majeure qui s’annonce pour le secteur culturel français. Je dis français mais je pourrais dire aussi européen, et d’ailleurs il est dramatique que la Culture soit la grande absente des débats menés durant cette campagne de l’élection européenne.
Mais j’ai été loyale aussi à moi-même, à ma conception de la responsabilité en politique, loyale à ce qu’ont toujours été mes engagements. Et pour moi c’est le plus important.
A ce sujet, il y a trois choses que personne dans cette assemblée n’a jamais pu et ne pourra jamais m’enlever :
- tout d’abord ma passion du politique et mon estime pour le débat d’idées qui n’est pas le combat interpersonnel ;
- ensuite ma volonté, qui me fait tenir malgré l’état du monde, malgré les difficultés, les contraintes et parfois les lourdeurs inhérentes à l’action collective, malgré les trahisons qui ne viennent jamais de nos adversaires mais de celles et ceux que l’on a cru un temps nos alliés ou pire, nos camarades ;
- et enfin mon amour pour Lyon, notre ville, la ville où je suis née en 1971, dans le 7e arrondissement, où j’ai grandi toujours dans le 7e arrondissement à Gerland, non loin de la Halle Tony Garnier et du stade de Gerland, non loin du Rhône et de la Confluence. Avant de venir habiter la Croix-Rousse à l’âge de 25 ans et d’y fonder ma famille, celle qui me porte et que j’aime, et qui me donne aussi la force et les raisons de m’engager.
Je ne suis pas une femme triste ni en colère aujourd’hui, encore moins abattue si quelques-uns avaient un doute, voire un espoir !
Et tout en continuant à siéger ici chaque mois ou chaque mois et demi, je vais prendre le temps de rencontrer les Lyonnaises et les Lyonnais, les acteurs culturels bien sûr toujours mais aussi les acteurs associatifs au sens large, les acteurs économiques, les parents d’élèves, les jeunes, nos ainés,… Je vais aller partout dans la ville, à la rencontre des habitantes et des habitants. Et les écouter vraiment.
Les Lyonnaises et Lyonnais doivent savoir qu’ils pourront compter sur moi pour les représenter et porter leur voix dans cette assemblée jusqu’en 2026 … et, je le souhaite, au-delà.
Je vous remercie de votre attention.
Nathalie Perrin-Gilbert