Vidéoverbalisation : une déclinaison de la surveillance numérique des habitants

Alexandre CHEVALIER alerte sur les risques de dérive d’étendre le dispositif de vidéoverbalisation à l’ensemble de la ville.
Vidéosurveillance et vidéo-verbalisation sont intimement liés : les caméras de vidéosurveillance servent à la vidéoverbalisation, contribuant toujours plus à la surveillance numérique des citoyens.

Si aujourd’hui, des garde-fous existent pour ne pas totalement attenter à leurs libertés, qu’en sera-t-il demain ?

En outre, l’Etat joue un rôle non négligeable dans le développement de la vidéosurveillance. Il incite les communes à s’équiper, offrant des marchés juteux pour les acteurs du secteur, qu’il subventionne par ailleurs. Et il récupère les recettes générées par la vidéo-verbalisation !

Autant de raisons que le groupe Lyon en Commun ne peut cautionner.

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Vous le savez, notre groupe Lyon en Commun est circonspect quant à l’usage des caméras dans l’espace public pour assurer la sécurité des Lyonnaises et des Lyonnais.

Il est d’ailleurs intéressant de revenir sur l’usage des termes.
Début 2008, le gouvernement de M. Sarkozy a introduit la notion de « vidéoprotection », alors qu’il parlait de « vidéosurveillance », 3 mois plus tôt.
Et à grand renfort de communication, une partie de la population a intégré l’idée que les caméras de vidéo-surveillance allaient les protéger.

À la Ville, nous avons des exemples éloquents de cette communication par la peur.
Les élus de l’opposition s’en donnent à cœur joie.
Je décerne la palme à M. OLIVER qui crie à tue-tête que les caméras sont LA solution à tous les problèmes d’insécurité et de tranquillité publique.
Je n’oublie pas M. WAUQUIEZ qui a généreusement proposé 1 M€ à la Ville pour développer son parc de caméras, oubliant au passage ses obligations en matière de politique culturelle alors que l’on sait combien ces dernières participent à l’apaisement des sociétés humaines.

Aussi, je vous remercie M. le Maire et M. CHIHI, de ne pas céder aux pressions de ces chantres de la vidéo-surveillance et de défendre la politique de notre majorité, qui favorise la prévention plutôt que la répression.

Par ailleurs, à qui bénéficie le développement du juteux marché de la vidéo-surveillance ?
Aux différents acteurs du secteur privé : fabricants de caméras, fournisseurs de logiciels, cabinets d’audit, et j’en passe.

Selon une note du Laboratoire d’innovation numérique de la Cnil, il s’élevait à 2,4 milliards d’euros en 2017, avec une croissance de près de 7% par an.

Pour sa part, 360, magazine de la sécurité globale, publié sous l’égide de la Fédération française de la sécurité privée, a réalisé en 2021, une étude sur la vidéoprotection à travers la commande publique.

Elle indique que depuis les élections municipales de 2014, le nombre de caméras dans les 50 plus grandes villes françaises a été multiplié par 2,4. Le nombre des marchés publics a donc augmenté. Il y en a eu en moyenne 540 par an, entre 2014 et 2020. 6 entreprises ont remporté le plus de marchés, dont Engie, Vinci ou Eiffage.
Récemment, la ville de Nice a mis en place un partenariat avec Thales pour un montant de 25 M€ dont 10,9 émanant de la Banque publique d’investissement.
Dans le même esprit, 10 M€ sont fléchés pour 2022 pour le développement de la vidéo-surveillance, dans le cadre du plan de relance économique du gouvernement de M. MACRON.

Et ce sont autant de caméras qui peuvent être utilisées pour la vidéo-verbalisation, objet de la présente délibération, qui étend le dispositif aux 571 caméras présentes dans notre ville.

Pour mémoire, lors du Conseil Municipal de janvier 2021, nous avons délibéré pour l’extension de l’expérimentation de la vidéo-verbalisation.
Notre groupe, avec le Groupe Socialistes, la Gauche sociale et écologique, avions déposé 2 amendements pour réduire l’expérimentation à 18 mois plutôt qu’à 3 ans et la subordonner à la production d’un bilan.
Nous avions été entendus. Et je vous sais gré M. CHIHI pour votre écoute.

Malgré tout, à la lecture du bilan réalisé sur l’année 2021, notre avis reste réservé quant à l’efficience du dispositif.
L’étude a porté sur 2 897 PV sur les 7 640 distribués, eux-mêmes à considérer au regard des plus de 100 000 infractions au stationnement constatées.
Aussi, nous interrogeons-nous sur le taux de récidive. Par rapport au volume total des infractions et à la faible portion du volume traité, il nous semble peu probable, statistiquement, qu’un contrevenant fût verbalisé deux fois sur la période.

Mais, loin de tout dogmatisme, nous approuvons la volonté affichée de conserver une dimension humaine en matière de lutte contre l’insécurité et de tranquillité publique.
Je citerai la marge de discernement laissée aux agents verbalisateurs ou encore l’évolution des actions des ASVP et de la police municipale vers des missions de proximité.
Je salue également le souhait d’informer largement la population sur ses voies de recours.

Indépendamment de notre politique de sécurité publique, deux autres points nous posent problème.

Le premier est relatif au rôle de l’État.
Il incite les communes à implanter des parcs de caméras.
Il contribue ainsi à financer les acteurs privés de la sécurité, sans parler des fonds qu’il leur distribue dans le cadre du plan de relance.
Et pourtant, les recettes générées par la vidéo-verbalisation ne vont pas dans les caisses des communes mais dans les siennes.

Le second concerne le contrôle de la population avec les systèmes technologiques.
Si aujourd’hui, quelques garde-fous existent pour ne pas totalement attenter aux libertés des citoyennes et des citoyens, qu’en sera-t-il demain ?

À l’heure de la surveillance numérique, nous préférons plaider, entre autres, pour la révision de notre schéma directeur de circulation et d’aménagement urbain. Ce schéma nous semble plus de nature à apaiser notre ville, mieux adapté aux plus vulnérables et plus sûr pour toutes et tous, que des caméras.
À titre d’exemple, les aménagements réalisés dans le bas des Pentes dans le 1er arrondissement montrent une certaine efficacité contre les incivilités et l’amélioration de la tranquillité des habitantes et des habitants.

Autant d’éléments qui nous amènent, élus Lyon en Commun, à nous abstenir sur cette délibération. Abstention, qui je le répète, ne remet pas en cause l’action globale de M.CHIHI pour assurer la sécurité et la tranquillité publique des Lyonnaises et des Lyonnais.