Dérèglement climatique : le véhicule individuel ne peut plus être la norme sociale ultra majoritaire.
Mathieu AZCUE pointe la nécessité d’agir face au réchauffement climatique. La mise en place de la Zone à faibles émissions (ZFE) y contribuera avec l’amélioration de la qualité de l’air.
Mais elle nécessite un changement contraint pour les ménages : limiter l’usage de leur véhicule individuel, aujourd’hui la norme, pour d’autres modes de transport, et notamment les transports en commun.
Si les ménages les plus modestes (peu détenteurs de véhicules) bénéficient désormais de la gratuité des TCL, il n’en va pas de même pour ceux de la “classe moyenne”, qui ne perçoivent aucune aide pour l’acquisition de véhicules moins polluants, ni de tarifs réduits dans les transports en commun.
C’est pourquoi Lyon en Commun prône la gratuité des transports en commun, en tant que bien public, qui bénéficiera à tous.
La ville de Lyon est sollicitée par la métropole de Lyon pour donner un avis sur la mise en œuvre de la Zone faible émission sur son territoire. Il s’agit d’une interdiction de circulation pour les véhicules crit’Air 5 et sans vignettes, et dans les années à venir, les véhicules crit’Air 4,3 et 2. En 2026, l’interdiction de circulation touchera les véhicules diesel pour notre arrondissement et la ville de Lyon a minima.
Avant d’aller plus loin sur les raisons qui ont poussé l’union Européenne puis l’assemblée nationale via la loi LOM sur les mobilités à imposer des Zones Faibles Émissions, quelques mots du contexte dans lequel s’insèrent ces choix politiques.
Le changement climatique a commencé, il est irrémédiable. Du fait même des conditions physiques, les émissions de gaz à effet de serre de ces 30 dernières années auront des effets jusqu’en 2050. Il s’agit donc de sauver les meubles, sans quoi nous aurons rendu la planète inhabitable pour l’homme. Le changement climatique a commencé mais déjà la biodiversité s’est effondrée, la fonte des glaciers, des calottes polaires et du permafrost inquiète les scientifiques, nous vivons déjà des conditions météorologiques extrêmes, nous venons d’atteindre la 5e limite de pollution planétaire. Nous sommes face à un mur, nous avons passé la 5e et désormais nous sommes pied au plancher de l’accélérateur. Si rien n’est fait le choc sera extrêmement violent. Toutes les institutions internationales le disent.
La question énergétique, quant à elle, qui est de facto la seule condition de notre puissance d’agir, va nous contraindre de force à très court terme, alors qu’une véritable prise de conscience du réchauffement climatique devrait nous imposer d’organiser, de planifier. En effet, selon l’agence internationale de l’énergie, nous avons atteint le pic de production de pétrole conventionnel entre 2006 et 2008 et nous allons atteindre le pic pétrolier toute production, c’est-à-dire y compris les pétroles de schiste américains et les sables bitumineux du Canada, autour de l’année 2025. Les spécialistes de ces sujets nous annoncent une déplétion énergétique de près de 25 % avant 2030. Plusieurs économistes expliquent désormais que l’inflation que nous connaissons actuellement est due entre autres éléments à une crise énergétique profonde et durable.
De gré ou de force, en planifiant ou en subissant, nous serons contraints. Le groupe Lyon en Commun choisit la planification et l’organisation. La ZFE est pour nous un outil d’organisation collective.
Reste le paysage social : 10 millions de pauvres, 10 % d’enfants qui vivent dans des foyers pauvres, 6 millions de chômeurs, 8 millions de personnes à l’aide alimentaire. Avec la pandémie, nous atteignons les 2 millions de foyers au RSA. Bref, la pauvreté est endémique dans la sixième puissance économique mondiale. Les plus pauvres de nos concitoyens sont également celles et ceux qui n’ont pas de véhicules, qui dépendent des transports en commun. On ne peut que se féliciter du travail réalisé par cette nouvelle majorité pour rendre l’accès aux transports gratuits pour les populations les plus fragilisées.
Je voudrais insister ici sur la situation des classes moyennes, pour qui la contrainte d’une modification des habitudes de déplacements sera la plus difficile : pas assez riches pour changer de véhicules, pas assez pauvres à très court terme pour bénéficier de mesures de gratuité sur les transports. C’est cette classe dite moyenne qui ressentira les plus forts effets des contraintes et se sentira, à raison, contribuer à plus forte proportion que le reste de la population. L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) nous annonce en 2019, en pleine crise des Gilets jaunes, que le pouvoir d’achat des classes moyennes a baissé, et ce dans tous les pays occidentaux, pendant que les revenus des 10 % les plus riches poursuivaient leur croissance. Entre mars 2020 et octobre 2021, les richesses des plus grandes fortunes de France ont bondi de 86 % selon Oxfam. 5 milliardaires français ont accumulé autant de richesses que 40 % de la population du pays. Cela est le fait de la majorité présidentielle, de l’ISF, de la flat tax et des profiteurs de crise. On sait donc qui pourra acheter un 4X4 électrique pour avoir le droit de circuler.
Ceci étant dit, revenons au fond de la délibération.
Les effets de la circulation automobile sur la santé sont déjà là, au moins 48 000 décès prématurés liés à la pollution de l’air, des décès liés à des vagues de chaleurs, invasion du moustique et augmentation des maladies qu’il propage, baisse des rendements agricoles qui entraîne des famines dans les pays en voie de développement. Côté climatique, nous sommes donc au pied du mur mais, pour autant, c’est le « business as usual » qui prédomine. La voiture individuelle représente 25 % des émissions, nos concitoyens y sont fortement attachés. Dès lors, on voit poindre les éléments du débat. Nous devons lutter contre le réchauffement climatique mais le prix au niveau individuel passe notamment par une contrainte sur nos déplacements. Il faut changer de culture. Le véhicule individuel ne peut plus être la norme sociale ultra majoritaire. Si la ZFE permet d’agir sur la qualité de l’air, elle agira par effet ricochet sur le changement climatique. C’est une bonne nouvelle et en même temps, cela appelle à des transformations structurelles sur les mobilités.
Enfin, je souhaitais saluer le travail réalisé par la vice-présidente Boffet à la démocratie participative qui mène actuellement les concertations avec les habitants sur l’arrondissement et sur la métropole et le vice-président Kohlass pour son écoute dans l’élaboration et la mise en œuvre de ce dossier complexe.
Ce n’est pas le lieu en arrondissement de faire des propositions concrètes mais permettez-moi quelques éléments de réflexion notamment issues de la concertation.
Notre groupe est attaché à repenser les communs, les mobilités en font partie. Quelles formes de nouvelles gratuités ? Le groupe est en faveur de la gratuité totale des transports en commun. Comment accompagner les plus vulnérables ? Nous souhaitons une régie publique du dernier kilomètre, service public dédié aux mobilités qui pourra innover et proposer un accompagnement individualisé des situations. Quelles innovations sociales pour favoriser ces transformations dans les usages ? Nous aurons collectivement ces échanges en conseil de la métropole en mars.