Intervention de David Souvestre, Conseiller municipal à la Ville de Lyon, co-président du groupe Lyon en Commun.
Un grand homme nous a quittés il y a peu, un grand homme, qui a vécu à Lyon le grand drame de son histoire, lorsque son père, Simon Badinter, a été arrêté rue Sainte Catherine, à quelques pas de là où nous siégeons aujourd’hui, raflé comme de nombreux juifs pour être déporté dans les camps de la mort.
Cet homme, Robert Badinter, va nous manquer.
Sa rigueur intellectuelle, son exigence morale, son énergie à défendre coûte que coûte la justice et les droits humains, manquent déjà à notre société.
Les hommages, unanimes dans la classe politique, ont salué une vision humaniste et une hauteur de vue qui permettent de s’ancrer dans le temps long.
En témoignent les effets toujours perceptibles, encore aujourd’hui, des grandes mesures qu’il a contribué à faire voter.
L’abolition de la peine de mort, bien sûr, qui a redonné toute sa dignité à l’être humain en l’empêchant de se faire bourreau au nom de la justice.
Notre République lui doit aussi l’abolition du délit d’homosexualité, qui a été la toute première étape de ce long chemin vers l’égalité pleine et entière que nous appelons encore, toutes et tous, de nos vœux.
Il a été le premier haut responsable politique à ne pas avoir honte d’accéder aux aspirations d’égalité et de liberté des associations homosexuelles.
42 ans après, l’Assemblée nationale et le Sénat lui rendent hommage.
Grâce au Sénateur Hussein BOURGI et au Député Hervé SAULIGNAC, la France se dotera d’un arsenal législatif pour enfin réhabiliter et réparer les personnes injustement condamnées en raison de leur orientation sexuelle, entre 1942 et 1982.
Si la Nation reconnait et regarde en face tous les pans de son Histoire, la République en ressortira grandie.
À cette vision humaniste et progressiste, qui s’inscrit dans le temps long, s’oppose aujourd’hui une vision court-termiste, qui plonge notre société dans un profond désarroi.
Avec pour commencer, les importantes coupes budgétaires annoncées en février dernier.
En actant – par décret – 10 milliards d’économies à réaliser dès cette année. Puis 20 milliards l’année prochaine, le gouvernement lance, sans le dire, un plan d’austérité qui va peser lourdement sur les politiques sociales.
Car nous voyons bien que ce ne sont pas les grandes entreprises ni les plus riches qui vont en payer le prix, même s’ils réclament, pour certains d’entre eux, d’être davantage taxés, soucieux de redistribuer leurs richesses plus justement.
Non. Ce sont les domaines de l’emploi, de l’éducation, de la santé, de la jeunesse, de la culture et même de la transition écologique qui passent aujourd’hui au rabot.
En somme, tous ces secteurs qui permettent de préparer l’avenir, plutôt que de l’hypothéquer.
Ce sont les étudiants, les demandeurs d’emploi, les travailleurs, les personnes en situation d’handicap, les retraités et plus largement, toutes celles et tous ceux, qui tentent de garder la tête hors de l’eau, qui vont devoir attendre que ce déficit se résorbe pour espérer de meilleures conditions de vie. De meilleures conditions pour apprendre, pour se loger, pour se soigner
De meilleures conditions pour affronter les conséquences d’un dérèglement climatique, passé soudainement au second plan… alors que nous savons bien que ce sont les plus fragiles et les plus précaires qui en subissent le plus durement les conséquences.
Est-ce en maltraitant les citoyens que nous ferons nation ?
Est-ce en empêchant les citoyens de vivre dignement que nous affronteront les défis de demain ?
En économie, la courte vue ne sauve que le court terme.
En politique, l’austérité sème généralement les graines d’une crise sociale et démocratique bien plus profonde.
Ces 10 milliards d’euros, effacés d’un trait de plume, au coin d’une table, sans débat au Parlement, ont de quoi inquiéter.
Inquiéter sur la sincérité de cet exécutif en place…
Inquiéter sur son incompétence à se projeter au-delà de quelques mois.
D’ici quelques minutes, notre collègue, Audrey HENOCQUE présentera devant notre assemblée, un budget réfléchi, un budget juste, un budget sincère, qui vise à maintenir le cap que nous nous sommes fixés.
Depuis le début du mandat, notre objectif est clair : que notre ville demeure un espace de vie, de solidarité, qu’elle assume son ambition écologique, sans qu’aucun ne se sente abandonné de la République.
À ce sujet, le sort de la Politique de la Ville nous interpelle également.
Car nous devons approuver aujourd’hui une délibération dédiée au nouveau contrat de ville, dénommé « Engagements quartiers 2030 ».
Ce contrat est une nécessité. Or nous appréhendons cette nécessité avec une très grande inquiétude.
Et n’en déplaise au ministre de l’Économie et des Finances, nous sommes loin, dans ces quartiers, de l’Etat Providence qui veille au bien-être de toutes et tous.
Alors que le nombre de QPV augmente dans notre pays et traduit une paupérisation généralisée de la population, l’annulation de 49 millions d’euros de crédits sur la Politique de la Ville, confirme tristement le recul de l’Etat social, partout aujourd’hui dans le droit commun.
Les objectifs d’économie à court terme priment sur le fonctionnement des services publics, et c’est toute notre cohésion sociale qui est mise en péril.
Le gouvernement largue donc les amarres :
En témoigne la réforme du RSA désormais conditionné à des travaux d’intérêt général… comme si les bénéficiaires de ce minimum vital, étaient des condamnés de droit commun en liberté conditionnelle.
En témoignent la suppression de l’allocation de solidarité spécifique, la dégressivité de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, la diminution de l’indemnisation chômage…
En principe, les collectivités locales ne devraient pas compenser et combler le désengagement de l’Etat.
Mais face à la gravité de la situation de certains de nos quartiers, elles assument, malgré tout, la responsabilité d’amortir les chocs pour soigner et réparer les dégâts sociaux.
Les nouveaux Quartiers populaires métropolitains, dont nous saluons la création par la Métropole de Lyon, illustrent bien cette bascule.
Ce sont eux qui vont permettre d’accompagner les habitants des quartiers de « veille active », puisque l’Etat se contente, à travers cette appellation, de surveiller, quand il ne punit pas, les quartiers pauvres sans pour autant leur apporter de véritable soutien.
Cependant, nul ne doit s’y tromper, les collectivités locales ne pourront pas soigner et réparer tous les dégâts sociaux.
L’asphyxie financière que nous impose l’Etat a des répercussions sur toute la chaîne de l’accès aux droits et creuse, in fine, des fractures profondes.
Des fractures dont se repait l’extrême droite, et nous font craindre le pire… y compris à court terme.
Les solidarités se concrétisent dans des droits.
Et si l’Etat ne les garantit pas, la promesse républicaine est rompue tout comme les liens qui font société.
Je terminerai mon propos, Monsieur le Maire, en observant que l’idée de la gratuité des transports en commun infuse dans les esprits. Idée que nous défendons avec persistance, y compris au sein de notre majorité.
En effet, l’offre « découverte Mobilités », votée par la Métropole de Lyon lors de son dernier conseil, propose 3 mois d’abonnement gratuit aux TCL sous certaines conditions.
Ceci est la démonstration que la gratuité peut être admise comme un levier de changement des modalités de déplacement.
Aussi, vous pouvez être fier, Monsieur le Maire, que vos alliés de Lyon en Commun servent de boussole politique à la Métropole de Lyon.
La gratuité des transports en commun, comme toute autre gratuité, est un choix politique – et non un fardeau économique.
La gratuité est le choix d’un mode de financement collectif de nos biens communs.
À ce titre, nous proposons d’aller encore plus loin et d’étudier sérieusement le passage en gratuité de nos modes de transports collectifs.
Si nous regardons autour de nous, en France, en Europe, il nous semble que tel est le sens de l’histoire.
Je vous remercie de votre attention.