Intervention de Laurent Bosetti, Adjoint au Maire de Lyon. Délégation Promotion des Services publics, Handicap et Politique funéraire_ Conseil municipal du 21 mars 2024
Chers collègues,
Vous le savez, cette délibération très attendue vise à revaloriser le salaire des agents de la Ville de Lyon de 1000€ net par an. Et même de 1250€ net les filières sociales et médico-sociales, c’est à dire les filières le plus féminisées.
Soulignons-le, cette augmentation est inédite en France. Elle s’ajoute à notre première revalorisation du régime indemnitaire déjà opérée en 2022. Au total, le régime indemnitaire global des agents de la Ville de Lyon aura augmenté de plus de 50% sur ce mandat. C’est considérable.
Est-il besoin de rappeler les motivations d’une telle revalorisation ?
D’abord, la nécessité d’un choc d’attractivité. A Lyon comme ailleurs, après des années de gel du point d’indice, la continuité du service public est désormais menacée, menacée par des difficultés de recrutement très importantes. Le secteur public ne rémunère plus suffisamment, malgré des métiers engageants où il faut donner beaucoup de soi. Il est indispensable de reprendre l’initiative.
Quand le secteur privé a vu son salaire net moyen progresser de 5% sur 10 ans, la fonction publique n’a évolué que de 2% sur la même période. Mon propos n’est pas de dire que le secteur privé est privilégié, tant le contexte est rude pour l’ensemble des salariés. Mais le secteur public décroche.
Ensuite, il y a bien sûr une responsabilité sociale de l’employeur. Face à un contexte d’inflation inédit, le réchauffement du point d’indice -à feu doux- n’a ni suffi à rattraper 10 ans d’immobilisme, ni même compensé l’envolée des prix des derniers mois. Je le rappelle, près de deux tiers de nos agents relèvent de la catégorie C, c’est à dire des revenus les plus modestes.
Chers collègues, cette revalorisation est aussi un signal fort en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes. En mettant encore l’accent sur des filières féminisées, comme nous l’avions déjà fait en 2022, nous réduisons des écarts historiques et structurels. A temps de travail égal, nous constatons à Lyon des écarts de salaires moyens de 9% entre femmes et hommes, mais contre 15% au niveau national. Vous le constatez, la route de l’égalité professionnelle est encore longue mais nous pourrons mesurer en fin de mandat les résultats concrets, statistiques, de notre engagement.
Enfin, nous profitons de cette révision du régime indemnitaire pour mieux considérer la pénibilité au travail puisque nous allons revaloriser les heures de nuit, c’est-à-dire des cycles horaires très engageants et facteurs d’une usure professionnelle certaine.
Alors bien sûr, nous allons collectivement nous réjouir de cette avancée sociale historique pour les agents de la Ville de Lyon. Mais gardons en tête que cette hausse des salaires ne sera aucunement répercutée demain sur la retraite de nos personnels. En effet, seul le point d’indice compte en la matière. C’est dire que tant que nous aurons une politique nationale austéritaire, nos agents partiront non seulement très tard à la retraite, mais en plus pour toucher des pensions très faibles.
L’absence de vision du gouvernement sur le secteur public, sur son pilotage et son attractivité, est inquiétante. Les employeurs territoriaux n’ont jamais été associés aux deux révisions du point d’indice, intervenues sans concertation ni anticipation, et à chaque fois dans l’urgence. Le Ministère semble naviguer à vue. En témoigne encore la dernière trouvaille de la prime « jeux olympiques », sortie du chapeau, en réponse à un manque de préparation de l’événement.
Alors que l’ensemble des personnels mériteraient d’être revalorisés avec une indexation annuelle de leurs salaires sur l’inflation, le Président de la République a réintroduit en début d’année le vieux serpent de mer de la prime au mérite dans la fonction publique. Cette transposition des logiques du secteur privé, telles les primes d’un commercial qui doit faire du chiffre, en dit long sur la perte de repères autour du service public. Le travail bien-fait, c’est à dire dans l’intérêt de tous, est un travail qui ne peut être adossé à une logique comptable. L’aide-soignant, l’ATSEM, l’éducateur sportif, l’assistant social, l’agent du guichet, doivent pouvoir prendre le temps avec leur bénéficiaire, y compris en perdant du temps, pour répondre aux besoins réels de leur usager.
Et puis soyons honnêtes, dans un contexte de fragilisation sans précédent des services publics, cette prime au mérite est aussi un message assez dégueulasse envoyé aux agents. En somme, mettez-vous au travail et nous vous paierons correctement. Ou l’image du fonctionnaire qui se tournerait les pouces dans son bureau. Il s’agit là d’un fabuleux écran de fumée !
Non, la fragilisation du service public ne vient pas de fonctionnaires non-méritants. Elle intervient après des années de chasse à la dépense publique, de course à la suppression de postes, de gel du point d’indice, de fonctionnaire-bashing incessant. De quelle performance voulez-vous parler quand chaque fonctionnaire doit arbitrer lui-même la dégradation de la qualité de service qu’il rend, faute de moyens, avec sans cesse le sentiment d’un travail « ni fait ni à faire ». N’inversons pas le paradigme et les responsabilités. Donnons aux services publics les moyens de fonctionner, à tous ses agents et pas à tel ou tel individu soi-disant méritant.
Je vous invite à adopter cette revalorisation salariale méritée pour nos agents. Sans eux, Lyon ne serait pas Lyon.